Au creux d'une fontaine,
Vivait un nénuphar,
Qui avait des rêves si curieux
Que jamais il n'avait trouvé d'autres nénuphars
Qui avaient les mêmes,
Il rêvait qu'un beau jour,
Il se trouverait sur la mer immense,
Où le regard, si loin qu'il supporte,
Ne voit rien d'autre qu'une étendue marine infinie,
Il rêvait de grands espaces où le vent souffle
Jusqu'aux confins de l'horizon,
De la houle aux amples vagues,
Du cri des cormorans et albatros,
Il rêvait qu'un jour il verrait
Une goélette aux blanches voiles
Apparaître devant ses yeux,
Il se voyait des gens,
A la hune des hardis voiliers
Scrutant les flots d'un oeil perçant,
Il rêvait, ne pensant qu'à cela jour nuit,
Seul, au creux de sa fontaine
Au doux murmure,
Quand lui n'aspirait qu'au fracas des vagues
S'entrechoquant l'une sur l'autre,
Au clapotis des ondulations sur les parois de la fontaine
Il préférait le bruit des flots
Qu'un navire fendait de sa proue majestueuse,
Et cependant, jour après jour,
Il restait là, n'ayant comme seul horizon,
Que celui de la paroi d'où sourdait la fontaine,
Il rêvait, rêvait, rêvait,
Et se perdait dans les songes des ces profondeurs marines,
Sans doute, rêve-t-il toujours aujourd'hui,
Tant il est vrai que nos rêves sont ce qui restent le plus longtemps de nos vies.